vendredi 23 décembre 2016

Meditation sur Hanouka et la Nativité

Petite méditation sur Hanouka et la Nativité
Sandrine Caneri

Cette année à cause de l’occurrence des deux fêtes liturgiques, Noël et Hanouka, permettez moi de vous livrer une petite méditation. Il est d’usage dans le judaïsme d’affirmer que la fête de Hanouka n’a strictement aucun rapport avec Noël et qu’il n’y a aucune comparaison à envisager. Du point de vue du contenu, comme de celui de la signification de cette fête, cela est absolument exact. Car la naissance de Celui qui est le Verbe de Dieu, reconnu comme Christ par les chrétiens, est totalement hors du champ religieux de la tradition juive et marque précisément la spécificité et la nouveauté du christianisme. Cependant, une fois que nous avons pris la mesure de cette distance absolue, pouvons-nous découvrir néanmoins un contact aussi minime soit-il entre ces deux fêtes ? Nous verrons que curieusement chacune d’entre elles porte un deuxième nom et qu’il est commun. Mais pour le moment constatons cette année une occurrence du calendrier[1].

Hanouka, fêté le 25 de Kislev, et la Nativité ne tombent exactement en même temps que rarement. Elle est fêtée cette année 2016 par nos frères juifs du 25 décembre au 1er janvier. Elle comporte plusieurs aspects, mais pour faire bref, elle célèbre la victoire des Maccabées sur le paganisme des Grecs qui avaient profané et souillé le Temple de l’Eternel dans le but d’anéantir tout monothéisme. La purification du Temple est rendu possible par le miracle de la fiole d’huile retrouvée sous les décombres et dont la faible quantité ne permettait d’allumer la flamme qu’une seule journée. Or elle a pourtant brûlé durant huit jours.
Le Chandelier du Temple - la ménorah - avait sept branches, sept lumières. Sept est le chiffre qui symbolise le monde crée, le monde d’ici bas, rappelant les jours de la Création. Le Temple étant une image terrestre du Temple céleste.



La Hanoukia, qui est utilisée pour la fête de Hanouka, contient huit branches, huit lumières[2] et chaque jour, une lumière supplémentaire est allumée. Or avec le chiffre huit nous sortons du temps et du monde créé pour basculer dans le monde incréé, le monde messianique, le monde à venir. Il y a dans la fête de Hanouka par le chiffre huit, une tension vers le monde messianique, nous dirions vers l’eschaton.
Or les rabbins disent que les huit branches du Chandelier de Hanouka, procèdent des huit guides d’Israël dont parle le prophète Michée : Jessé, Samuel, Saul, Elie, Sophonie, Amos, Sédécias et ... le Messie.
Si le dernier jour de la Création est un shabbat, alors le premier est un dimanche, « jour un »[3], unique, à l’image du Dieu Un. Or ce jour là, est le jour où Dieu créé la Lumière. Et les Sages d’Israël disent que cette Lumière du premier jour est la lumière messianique et qu’elle est dissimulée pour être mise en réserve pour les justes dans le monde à venir[4].
Hanouka est également appelée « la fête des Lumières ». Cette année la fête s’étend de la Nativité du Christ à sa circoncision, dont on sait qu’elle doit être effectuée le huitième jour précisément pour que le garçon qui entre dans l’alliance (nom hébreu de la circoncision : brit milah) entre dans le monde par un rite messianique qui le situe en homme du huitième jour, en homme du monde à venir.
Un dernier mot : nous savons que la Nativité était célébrée à l’origine de l’Église dans la même fête que la Théophanie, le 6 Janvier. Plus tard seulement elle fut célébrée indépendamment le 25 décembre. Or, la Théophanie est également appelée « la fête des Lumières »[5] car nous sommes invités à entrer dans la Lumière de la Sainte Trinité, dont l’Évangile relate lors du Baptême du Christ la première manifestation : Lumière est le Père, Lumière le Fils, Lumière le Saint Esprit. « C’est en effet dans la lumière resplendissante de l’humanité divinisée du Christ que nous sommes initiés à la Lumière de la Sainte Trinité »[6].
Il est presque troublant que ces deux fêtes portent comme deuxième nom : « La fête des Lumières ».


La coutume en occident d’allumer une bougie supplémentaire lors des quatre dimanches de l’Avent provient-elle du même esprit ?

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Midrash Yalqout Shimoni sur Is 60,1 ( XIème siècle)
"Et Dieu vit que la lumière était bonne" Ces mots nous apprennent que le Saint Béni soit-il, a prévu les jours et les actes du Messie, dès avant de créer le monde ; et il cacha le Messie et ses jours sous son trône de Gloire. Et Satan dit devant la face du Saint Béni soit-il : « Roi du monde, la lumière cachée sous ton trône de gloire, pour qui est-elle ? Et Dieu répondit : pour celui qui est destiné à te faire t'en retourner la honte au visage ».

Armand Abécassis
« Enfin, alors que le candélabre du Temple n’avait que sept branches, le petit candélabre familial en possède huit : c’est dire la décision rabbinique d’imprimer, dans la fête de Hanoukka, la dynamique messianique que traduit le passage du chiffre sept au chiffre huit. En cohérence avec le premier chapitre de la Torah, qui fait du septième jour l’ère de l’humanité, chargée pour sa part d’y ajouter le huitième jour des temps messianiques, suite espérée des temps historiques ».
Texte paru dans l’édition papier du journal La Croix du 19-20 décembre 2009

Colette Kessler – Méditation sur Hanouka 2005 – qui tombait cette année là du 26/12 au 2/01.

Cette petite fête dure huit  jours ; c'est  là  une durée messianique. Le Ness (miracle) nous ouvre à l'espérance des temps du Messie à venir. Hanouka est d'ailleurs appelée au Second Livre des Maccabées : "la fête de Souccoth de l'hiver" (2 Macc. X, 6), Or, la fête de  Souccoth est (selon le Talmud Sukka. 5, 6 ; 55 b) célébrée par Israël et pour "les soixante-dix nations de la terre". C'est la fête où, par excellence, Israël exprime sa vocation universelle à travers sa singularité même. D'ailleurs, "ces lumières de Hanouka que nous allumons chaque année non pour nous en servir mais  pour les contempler, pour rendre grâce à Ton Nom, ô Seigneur..." (texte lu après l'allumage), nous les allumons aussi pour nous souvenir de la Lumière de la Création, la lumière primordiale (Gn 1,3), produite par la première Parole créatrice de Dieu, lumière inaccessible aux hommes dans un monde encore non rédimé, "cachée et mise en réserve pour les justes des temps à venir, des temps ultimes" (T.B. Hag 12 a), mais dont par la Révélation Dieu nous a fait entrevoir l'éclat, comme il est dit au Livre des Proverbes (VI, 23) :
"Car la Mitsva – le précepte- est lampe et la Tora  Lumière"


On peut aller voir encore les articles :  http://www.massorti.com/Significations-de-Hanoucca
particulièrement celui du Rabbin Rivon Krygier : Hanoucca et Noël. 




[1] Notons que liturgiquement le jour commence toujours la veille, tant chez les juifs que dans la tradition byzantine.
[2] Il y a une neuvième lumière soit sur le côté, soit en avant, qui est le shamash, c'est-à-dire qui sert à allumer les autres, mais ne compte pas dans les huit. Car comme ces huit lumières sont saintes, elles ne doivent pas « être utilisées » ni pour allumer autre chose, ni pour s’éclairer. C’est pourquoi il fallait ajouter une 9ème qui puisse servir à l’allumage.
[3] Tant dans le texte hébreu que dans le texte grec de la Septante. Notons que liturgiquement le jour commence toujours la veille, tant chez les juifs que dans la tradition byzantine.
[4] Midrash Rabba Genèse 3,6.
[5] voir le Synaxaire 1988 p.339
[6] Ibidem