jeudi 16 novembre 2017

Entretien avec le diacre Laurent Kloeble
Tudor Petcu





1.) Pour commencer ce dialogue, s'il vous plaît, veuillez parler sur vos expériences spirituelles et précisez comment vous avez découvert l'Orthodoxie.
L’Orthodoxie est pour moi l’aboutissement d’une recherche spirituelle, et mes expériences spirituelles m’y ont conduit. J’ai donc eu des expériences antérieures, préparatoires. Ma première expérience spirituelle est juive, de par ma famille. Ma mère est juive, et mon père est catholique. Mais les deux partagent un athéisme et un anticléricalisme assez fort. J’ai donc été élevé dans une famille avec un idéal politiquement de gauche (c’est-à-dire un messianisme laïc). Du côté maternel de ma famille, il y avait des cousins qui pratiquaient encore le Judaïsme de façon assez forte, sans être pour autant orthodoxes (dans le sens Juif). La première langue dans laquelle j’ai entendu des prières fut donc l’hébreu. Même si elle dégageait un côté mystérieux car je n’y comprenais rien, cela me semblait surtout folklorique et marquait un attachement désuet à un passé sans importance. J’ai connu des repas de Shabbat, des repas de Pesa’h (la Pâque juive), et des discussions avec des visions religieuses du monde qui venaient heurter ce qui se disait chez moi. Avec le recul je mets cela dans les expériences spirituelles, même si elles sont très familiales. Elles ont probablement eu un impact, d’une façon ou d’une autre, mais de façon souterraine.
Ensuite, à 25 ans, vient une expérience beaucoup plus “mystique”. Avant, je peux dire de moi que j’étais un athée, presque militant, qui voyait la religion comme une source d’obscurantisme, un frein à la science. Il me semblait que l’humanité serait bien plus heureuse sans toutes ces superstitions idiotes. Jésus n’était à cette époque qu’un personnage sympathique, à l’égal de Gandhi et Martin Luther King, dont le message d’amour originel avait été trahi par une église avide de pouvoir. Puis un jour, j’entends une voix qui me parle de façon obsédante jusqu’à ce que j’accepte de lui obéir, et cette obéissance m’a permis de sauver une vie. Ce fut pour moi un bouleversement inouï. Ceci me donne une proximité avec Saint Paul que seuls ceux qui ont connu un événement fondateur peuvent comprendre. Cette voix ne mentionne pas le Christ, juste la vie à sauver. L’évidence de Dieu me submerge alors et je me mets à étudier les religions. Bien que je me sente Juif, je n’imagine pas un instant cette pratique qui me couperait du reste du monde. Le Christ s’impose petit à petit comme une évidence, mais pas encore le Christianisme.

Mon éducation familiale et laïque française, l’antichristianisme de la partie juive de ma famille me feront encore errer 3 ans avant de me reconnaître disciple du Christ, mais d’une façon très particulière : je rencontre plusieurs prêtres catholiques et le courant ne passe avec aucun d’eux. Je suis finalement baptisé par un ami d’alors et j’arrive à ainsi à ménager mon expérience et mon héritage : être chrétien mais sans être dans l’église catholique. Je pratique alors épisodiquement dans le catholicisme, mais je trouve tout très pauvre. A cette époque le Christianisme se résume pour moi au catholicisme romain et au protestantisme. Je n’ai jamais envisagé l’Orthodoxie avant de rencontrer celle qui allait devenir ma femme, une roumaine de Bistrita, que j’ai rencontrée à Iasi. Ma dernière expérience spirituelle avant d’être confronté à l’Orthodoxie fut la franc-maçonnerie.  Le hasard des rencontres et le manque constaté dans le catholicisme m’avaient fait accepter cette invitation à rentrer dans cette société initiatique. C’est une excellente contre expérience spirituelle, et une de mes fiertés spirituelles est d’avoir été exclu de cette confrérie au final farouchement anti-chrétienne (je l’ai compris plus tard en étudiant la théologie orthodoxe). C’est en Roumanie donc que je découvre l’Orthodoxie. Ma femme m’emmène dans un monastère à Iasi, assister à une Divine Liturgie. Le choc fut immense. C’est ma seconde expérience spirituelle vraiment fondamentale. Bien que je ne comprenne rien (je ne parlais pas du tout roumain à l’époque) j’ai été bouleversé par la Liturgie. Les icônes, l’encens,  et le chant byzantin et la psalmodie qui me renvoient instantanément aux prières en hébreu de mon enfance. Je comprends que la continuité de la source juive est là. Je comprends (de façon non intellectuelle) que tout est là.

  
2.) Quelle a été la raison principale pour laquelle vous avez choisi la conversion à l'Orthodoxie?
Il s’agit du critère de vérité. Il s’agit de rejoindre l’église du Christ, laissée aux apôtres et transmise par les évêques, les Pères, les saints et les martyrs. Au début ma conversion a été basée sur un critère familial : la possibilité du mariage. Je ne concevais pas de mariage « mixte », et ma femme non plus. J’ai donc rencontré un prêtre orthodoxe à Paris. Nous avons eu 5 longs échanges. Je revenais à chaque fois avec beaucoup de questions. Il m’a rapidement conseillé de lire une catéchèse orthodoxe pour adulte. J’étais au départ réticent, car les catéchèses catholiques sont plutôt  enfantines ou niaises. Ici, j’ai été confronté à quelque chose d’une grande intelligence et finesse. J’étais surpris. L’Orthodoxie n’était qu’une suite de bonnes surprises : liturgiques, intellectuelles, etc. Devant l’insistance de mes questions il m’a suggéré d’étudier la théologie. Cela répondrait à mes questions, et à l’antisémitisme des Pères de l’Eglise, gros souci pour moi à l’époque. J’ai donc été christmé à l’été 2007 et je me suis marié la même année.
Pour les études théologiques, j’avais la chance de bénéficier d’un enseignement théologique à distance par l’institut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris. Le critère déterminant pour moi était que l’hébreu y était enseigné. A mon sens, s’intéresser au Christianisme avait une dimension linguistique dont l’hébreu ne pouvait pas sérieusement être exclu. J’ai donc étudié jusqu’à obtenir une licence. J’ai lu énormément, appris le grec et l’hébreu. J’y ai perçu toute la cohérence avec la racine juive, que j’ai étudiée en parallèle. Chaque jour qui passe (j’étudie quotidiennement si je le peux) je valide ma conversion sur ce critère de vérité. Je ne trouve rien qui puisse mettre en défaut l’Orthodoxie. Ce qui a été transmis est ce qui a été reçu. Il y a donc ma conversion de 2007, et il y a tous les jours, ma conversion réactualisée où je valide que je suis au bon endroit avec les bonnes personnes. Je me convertis tous les jours. Je ne le vois pas comme quelque chose de terminé.


3.) J'apprécierais beaucoup si vouliez nous en dire quelques mots sur les plus belles expériences que vous avez vécues en tant qu'orthodoxe.
Il y a les moments forts au niveau personnel : mariage, baptême de mes deux filles. Mon ordination diaconale fut aussi une grande joie. Et puis il y a les expériences vraiment théologiques au niveau de l’étude. La résolution d’une énigme laissée en suspens pendant des semaines, des mois, des années parfois est une expérience vraiment extraordinaire.
Quand, vous lisez un passage du Talmud, et que cela vous permet de comprendre la littéralité en milieu Juif d’un passage des Evangiles, c’est une sensation très euphorisante. On rend grâce à Dieu d’avoir dévoilé un mystère. Votre question est intéressante, car vous demandez « en tant qu’orthodoxe ». Et il y a beaucoup de questions qui vous assaillent quand vous étudiez la théologie. Et si Arius avait raison ? Et si Nestorius avait raison ? Et si les monophysites avaient raison ? les catholiques ? les protestants ? les néo-protestants ? les mormons, les témoins de Jéhovah, les francs-maçons, les vieux-calendaristes, etc. La foi vous rassure, car vous savez que l’église est détentrice de la vérité. Mais pour que cette vérité s’actualise en vous, c’est autre chose. C’est une expérience « orthodoxe » pour moi que d’avoir trouvé tous les éléments de réponse dans la tradition juive. Ainsi, de façon systématique, mais par un autre chemin, j’arrive  aux conclusions des Pères de l’église. 
Une expérience qui reste extraordinaire, c’est lorsque j’ai compris de façon  argumentée, académique et historique que saint Jean Chrysostome n’était pas hostile le moins du monde aux Juifs. J’avais lu des textes de lui sans savoir les lire et ils m’avaient choqué, blessé, et un érudit américain m’avait ouvert la clé de lecture de ces textes par rapport à la rhétorique grecque. Ainsi se trouvait résolue cette énigme folle : comment peut-on écrire des choses aussi horribles et concevoir une anaphore eucharistique aussi magnifique ? Rien n’était anti-juif, il suffisait de savoir lire…

4.) Que signifie pour vous le fait d'être orthodoxe dans une société occidentale et quel serait votre témoignage pour la conscience occidentale contemporaine?
Être orthodoxe dans une société occidentale revient concrètement à nager à contre-courant. Mais je prends cela comme une grâce, car, comme beaucoup de Juifs, je crois au mérite : quelque chose de durement acquis a plus de prix que quelque chose de simple. Néanmoins, si cela est satisfaisant pour moi, c’est en général négatif pour autrui : ce n’est pas amené à se populariser. L’Orthodoxie restera toujours confidentielle, car les orthodoxes n’ont pas le sens de la mission. Le problème linguistique est une belle illustration  de cela : tant que les orthodoxes voudront garder, au mépris de la Tradition, une approche linguistique fermée, inaccessible à l’environnement proche, l’Orthodoxie ne se développera jamais en occident. Ainsi, les roumains célèbrent en roumain, les russes en russe et les grecs en grec. Les exceptions sont rarissimes. Vouloir apporter cela aux autochtones n’est clairement pas une ambition des orthodoxes de diaspora. L’occident est déjà tellement hostile au Christianisme, que sans réelle volonté et technique de mission, rien n’est possible.

Le témoignage qui en résulte est donc très modeste. Mais il est le suivant : votre  monde n’a aucun avenir. Il contient en lui-même les raisons de son propre anéantissement. Il regarde de haut des mondes qui sont multi-millénaires, et leur affiche le mépris que les adolescents renvoient à leurs parents au moment de leur plus grande ingratitude. On retrouve bien ceci dans l’ingratitude de l’occident, enfant du Christianisme et qui le renie. Mais c’est un enfant qui est ce qu’Esaü est à Isaac : un enfant qui a trahi et déçu. L’occident, dans un regard orthodoxe est un monde violent, centré exclusivement sur l’argent, le futile, et voit la technologie comme une fuite en avant dans une singerie satanique de tous les objectifs du chrétien : l’immortalité est promise par une science puissante et inquiétant là où l’église offre l’éternité.

L’occident a produit des merveilles conceptuelles au niveau de la  pensée abstraite, qu’on a réuni sous le vocable de « philosophie ». Ce qui manque à l’occident aujourd’hui, c’est de redécouvrir tout ce continent perdu de la pensée que sont les Pères de l’église. Cela peut être une porte de sortie honorable pour sortir de cette impasse qui met le monde en péril. Le constat de l’orthodoxe que je suis est très pessimiste concernant l’occident. Je pense que nous partageons tous le sentiment de Jonas parcourant Ninive pour appeler les gens au repentir, mais que cette fois Ninive ne se repent pas…


5.) Quels sont les livres orthodoxes qui vous avaient impressionnés le plus et qui devraient être lus par ceux qui désirent découvrir et comprendre l'orthodoxie?
Dans les livres orthodoxes vous avez différents types. Cela peut aller de l’ouvrage de théologie qui n’a rien à envier à de la philosophie allemande en terme de complexité et de densité, ou bien les essais plus accessibles, ou bien encore les textes plus spirituels qui s’adressent davantage au cœur. Ces derniers seront plus intéressants pour des gens souhaitant découvrir l’Orthodoxie. Les trois ouvrages qui me viennent à l’esprit ne me semblent pas les plus adaptés à un public totalement néophyte. Ce sont des ouvrages de théologie, mais ce  sont ceux qui m’ont le plus durablement impressionné et influencé. Le premier est « L’eucharistie, sacrement du royaume » du Père Alexandre Schmemann. Il s’agit d’une étude sur la théologie de la Liturgie et de toute la dynamique et cohérence eucharistique de la Liturgie. Le second est « Judas, l’apôtre félon » du Père Serge Boulgakov. Il s’agit d’une étude précise sur ce cas épineux : si Jésus a choisi celui qui devait le trahir, puisqu’il est Dieu, il ne peut se tromper de la sorte. Donc, que signifie ce choix ? Le troisième est également du Père Boulgakov : « La vénération de l’icône ». Il s’agit d’une œuvre de tout premier plan, car il n’y avait auparavant, aucune définition dogmatique de l’icône, et le septième concile œcuménique n’avait pas répondu sur le plan dogmatique, mais du point de vue de la Tradition.
6.) Klaus Kenneth, un penseur orthodoxe de Suisse disait : "l'Orthodoxie est une voie royale et il n'y a pas une autre voie qui pourrait aider l'homme pour gagner la rédemption". Etes-vous d'accord avec cette affirmation?
En préalable, il est très difficile de commenter une phrase hors de son contexte. Peut-être l’auteur apporte-t-il une nuance, une précision qui rééquilibre. En tout cas, si une personne disait cela, et rien que cela, je ne serais d’accord qu’à moitié avec elle. « L’Orthodoxie est une voie royale » est l’évidence même, et « il n’y a pas d’autre voie » est une erreur dans la compréhension de la miséricorde divine et du plan de salut de Dieu pour l’homme. Cela tient probablement à une méprise sur ce qu’est l’Eglise. La définition de saint Irénée de Lyon dans son Traité contre les hérésies est que là où souffle l’Esprit, là est l’Eglise. Il ne s’agit pas donc pas uniquement de l’Orthodoxie, avec son histoire, sa liturgie, ses habitudes, sa beauté, etc. Croire que l’Eglise, corps mystique du Christ n’est là que lorsque nous sommes dans une Orthodoxie parfaite, est une vision bien étriquée du corps mystique du Christ. Son corps est bien plus vaste que cela. Son corps est aussi là où est la miséricorde, aussi là où est la compassion. Si on relie le discours eschatologique rapporté par Matthieu dans son Evangile, on voit que le Christ nous jugera non pas sur notre Orthodoxie, mais sur notre miséricorde et nos actes. Le tribunal du Christ n’est pas un jury de doctorat en théologie dogmatique. L’Orthodoxie est une voie royale, en ce sens qu’elle ne cesse de nous le dire : nous allons mourir, nous allons  passer devant ce tribunal, et ensuite il sera trop tard. En ce sens, c’est la voie royale, comme certains lycées préparent au baccalauréat. On peut passer le bac sans passer par ces écoles prestigieuses, mais c’est rare. Et l’échec est rare dans ces écoles prestigieuses et entraînées. En cela, les parents qui baptisent leurs enfants dans l’Orthodoxie, ne pourront jamais rien leur offrir qui atteigne ce prix là.

7.) Je vous prie de me parler un peu sur votre héritage juif et de mettre en évidence sa signification et son importance pour votre parcours spirituel dans la tradition orthodoxe.
Je suis orthodoxe parce que je suis Juif. C’est pour moi une évidence. Aucune forme de christianisme en dehors de l’Orthodoxie n’a une logique juive  qui montre bien cette filiation directe, qui échappe à nombres d’orthodoxes. Le Judaïsme est une immense et interminable démonstration, preuve et évidence de la véracité de la position chrétienne orthodoxe. C’est pour cela que pour moi, les deux sont intimement liés.
Plus le Christianisme s’éloigne de l’Orthodoxie, plus il devient contradictoire avec la logique juive. Ainsi le catholicisme romain est un peu contradictoire avec un fonctionnement juif. Le protestantisme est beaucoup contradictoire avec un fonctionnement juif. Et le néo-protestantisme est violemment contradictoire avec le fonctionnement juif. Tout ceci est une évidence pour qui s’intéresse à cette tradition. C’est d’autant plus étonnant quand on constate la méfiance chrétienne orthodoxe pour le judaïsme. On la voit se manifester dans le rapport avec la Loi mosaïque, avec l’Ancien Testament, etc.  En fait, pour résumer, un juif qui connait bien sa tradition, et qui reconnait Jésus de Nazareth comme Messie, ne peut qu’être chrétien orthodoxe. C’est une évidence qui se construit dans l’étude, depuis des années. J’ai décidé de transmettre cela dans les cours de Bible que je donne  dans ma paroisse ou en France dans un centre orthodoxe parisien. Si je peux apporter une chose en retour à l’Eglise, en réponse à tous les trésors dont elle m’a comblé, c’est cela : n’ayez pas peur de vos racines juives !!! elles ne font que confirmer votre fidélité aux Saints Apôtres !! Faites comme Saint Jérôme, ou comme l’immense Origène : étudiez la tradition juive, n’hésitez pas à aller voir des rabbins. Ils ne feront pas de vous des Juifs. Ils feront, si vous avez le Christ ancré dans votre cœur, des Chrétiens orthodoxes encore mieux installés dans leur Tradition.
C’est dans cet esprit que je suis des cours de Talmud à Paris, dans une synagogue. Rares sont les cours où  je ne peux pas faire un lien avec un domaine du Nouveau Testament. L’Orthodoxie a ce paradoxe pour moi : je ne me suis jamais senti aussi Juif, que depuis que je suis orthodoxe.
2.) Etant donné votre identité juive, je vous propose de nous présenter votre manière orthodoxe dont vous comprenez maintenant le Judaïsme. Donc, quelle est votre perspective orthodoxe sur le Judaïsme et le monde juif?
Le Judaïsme est ce qu’il faut faire, si l’on est Juif et si l’on considère que le Messie n’est pas encore venu. En ce sens il s’agit d’une sorte de bizarrerie historique. Je vois cela de l’intérieur et de l’extérieur à la fois. De l’intérieur, pour un Juif, c’est ce que Dieu a demandé. Donc, en un sens, cela ne se discute pas, cela se vit. Mais de l’extérieur, en tant que chrétien orthodoxe, c’est une sorte d’univers décalé, dans un autre espace-temps. Ce problème théologique ardu est adressé par Paul dans son Epitre aux Romains, car au-delà de l’erreur que cela comporte dans une relation à la vérité, cette bizarrerie historique est voulue par Dieu. Ma vision orthodoxe ne va donc pas être éloignée de ce que dit Paul sur ce sujet. Et pour le comprendre, une fois encore, les lunettes de la lecture juive sont difficiles à mettre de côté : on lit un texte de rabbin, et il faut saisir la mécanique particulière de la forme rhétorique et du mode  de  pensée. Cet accident historique que représente la survivance du Judaïsme est voulu par Dieu, providentiel, et lié au salut des non Juifs. C’est parfois une source de tristesse chez  moi, lorsque je lis des auteurs chrétiens, considérer que les Juifs n’ayant pas reconnu Jésus comme Messie sont abandonnés de Dieu, rejetés, méprisés. Cette théologie médiocre avait été anticipée par Paul.
D’un autre côté, mon regard sur le monde Juif est assez dur. Je constate une grande décadence de l’enseignement, du niveau général en rapport avec la religion. Je parle ici du Judaïsme francophone, car je n’en connais pas d’autre véritablement. Il n’y a plus de grands maîtres comme il y a quelques décennies, et beaucoup de rabbins forts mauvais, enseignent des choses qui les dépassent infiniment. Ces enseignants donnent une image bien terne de ce qu’est le Judaïsme. Une bonne façon de les débusquer : leur appréciation du Christianisme. Généralement, ceux qui voient le Christianisme comme un phénomène étranger, incompréhensible, externe sont le plus souvent très mauvais. Ceux qui voient cela comme quelque chose de compréhensible, de logique, d’intéressant sont le  plus souvent de qualité…

3.) Quels sont à vos yeux les points communs entre la spiritualité orthodoxe, que vous choisie en tant que manière de vivre, et la spiritualité juive?
Je serai tenté de répondre : au Christ près (ce qui n’est pas un mince détail), tout est commun, convergeant et harmonieux. Pour les ignorants en Judaïsme, on se dit au départ que tout ce qui est vraiment orthodoxe est étranger au  judaïsme : l’icône, la Trinité, l’Incarnation, etc. Mais pour ceux qui connaissent le Judaïsme de façon non superficielle et honnête, tout s’harmonise très bien. Pour répondre précisément à  votre question, je dirais : la tradition orale. Le Judaïsme est une tradition orale. Cette tradition orale s’est retrouvée avec le temps dans de l’écrit, mais il faut bien comprendre qu’il y a tout un corpus que les Juifs appellent « Torah orale ». De la même façon, dans la Liturgie orthodoxe, nous lisons des textes pour réaliser l’acte liturgique, ces textes sont du domaine oral. Cette tradition orale chrétienne, essentiellement liturgique et traditionnelle est la parfaite continuité de l’oralité juive. En ce sens, c’est le point commun vraiment premier. Je vois toujours avec amusement, tristesse ou irritation selon mon humeur, cette défense scrupuleuse de l’écrit seul et du refus de toute tradition orale dans certaines formes déviantes de Christianisme. En effet, pour un Juif, l’écrit comme  seule référence est la marque d’une trahison, d’une incompréhension et d’un postulat des plus saugrenus. Cette référence à l’écrit seul est le plus souvent présentée comme la préservation scrupuleuse de la vérité authentique, alors qu’elle en est l’exact opposé. Je relis ainsi avec un bonheur constant cette réponse cinglante de Saint Basile le Grand à ceux, qui déjà à son époque mettaient en doute ce qui n’étaient pas écrit dans la Bible : c’est la Tradition orale de l’église. Toute cette oralité si juive, est dans notre Liturgie : dans les Ménées, dans le Paraclitique, dans tous les chants de notre Liturgie. Cette façon de procéder, n’est que l’enseignement du Christ et des apôtres, rabbins juifs du premier siècle, qui comme tous les Juifs pieux d’avant et d’après ont vécu dans une immense oralité


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