jeudi 25 août 2011

Intervenants conseillés sur Le site Akadem.org

Akadem est un site juif, qui contient des milliers de conférences. A l'ouverture du site cliquer sur limoud. Puis ensuite un des noms dont nous vous donnons la liste ci dessous.
Elle n'est pas exhaustive. mais ils vous suffiront pour le moment.
Voici les intervenants que nous vous conseillons pour entrer dans la connaissance du judaïsme.

Intervenants juifs :
Rivon Krygier
Philippe Haddad
Armand Abécassis
Claude RIveline
David Saada
Adin Steinsaltz
Dan Jaffé
Sébastien Allali
Mikaël Azoulay
Daniel Sibony
Mireille haddas lebel
Catherine Chalier
Shmuel Wygoda
Alain Michel
Marc Alain Ouaknin
Hervé Élie Bokobza
René-Samuel Sirat
Léon Askenazi (Manitou)

Intervenants chrétiens :
Rafic Nahra
Jean Dujardin
Patrick Desbois
Michel Remaud
Paul Thibaut

Bonne audio.
vous pouvez toujours nous contacter si vous avez des questions sur tel ou tel enseignant.

Catéchèses, cours, conférences

Les 12 fêtes (partie 1) : cliquer ici

Les 12 fêtes (partie 2) : cliquer ici

La naissance du Messie et les saints ancêtres : cliquer ici

L'alliance, la Loi, les commandements et l'amour, le mystère du salut : cliquer ici

cours de bible 2013 :  http://vimeo.com/89088001
 

Théologie de la substitution

Sur la Substitution

Chrétiens et Juifs entre le passé et l’avenir,
Michel Remaud, Bruxelles, Lessius, 2000
p.80-87
CHAPITRE V
ASSUMER L'HÉRITAGE
Soulignons cependant - cette précision est essentielle - que l'on peut lire des centaines de ces textes patristiques sans y rencontrer la moindre allusion aux Juifs ni à leurs institutions. À la lecture de ces homélies, lettres ou commentaires, il est évident que les Pères ont bien d'autres préoccupations que celles de la controverse avec la synagogue. Mais rien ou presque, dans ces pages, ne vient équilibrer les extraits que l'on vient de citer, et c'est en vain que l'on y chercherait quelque chose de bienveillant, sinon de chaleureux, sur le peuple de la première alliance. Bède le Vénérable explique qu'«Il est beau d'appeler Israël le Serviteur du Seigneur», mais c'est pour préciser aussitôt qu'«il ne s'agit pas ici de la race charnelle d'Abraham, mais de sa race spirituelle[1]». De même, Fauste de Riez, après avoir déclaré dans son commentaire sur les noces de Cana que «le vin de l'ancienne alliance était bon, mais que celui de la nouvelle est meilleur », ajoute immédiatement que «l'ancienne alliance, celle que les Juifs observent, s'évapore dans la lettre[2]».
Seul un passage de saint Cyrille d'Alexandrie vient donner une note sensiblement différente, en présentant l'économie du salut comme une extension aux païens de l'accomplissement de la promesse faite à Israël: le Christ «est venu évidemment pour accomplir les promesses faites à Israël, puisqu'il disait: Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues d’Israël. C'est pourquoi saint Paul ne ment pas lorsqu'il dit que le Christ s'est fait le serviteur des Juifs pour garantir les promesses faites à leurs pères. Mais il dit aussi que le Christ a été chargé par Dieu le Père de faire obtenir miséricorde aux païens, afin qu'eux aussi glorifient comme le Créateur et l'Artisan de toutes choses, le Sauveur et le Rédempteur. - Ainsi la clémence divine s'est étendue à tous, les païens ont été accueillis, et le mystère de la sagesse accompli dans le Christ n'a pas dévié de son but de miséricorde. Pour remplacer ceux qui sont tombés, c'est le monde entier qui a été sauvé par la compassion de Dieu[3]
Ce dernier passage, malheureusement, ne corrige guère l'image que dessinent ces textes, et qui ne fait que conforter les idées reçues, véhiculées encore trop souvent par l'enseignement courant; dans la quasi - totalité des cas, l'évocation des Juifs est assortie d'une connotation péjorative.
*
Cette image des Juifs et du judaïsme est elle-même le signe d'une dérive théologique dont le point de départ remonte aux premières générations chrétiennes, et dont nous souffrons encore aujourd'hui: l'Église, en fait sinon en droit, n'a plus besoin d'Israël. Elle n'a plus besoin d'Israël pour lire l'Écriture. En affirmant que l'Ancien Testament est inspiré et que les Juifs en sont dépossédés, elle se reconnaît les moyens d'une lecture de l'Écriture qui se suffit à elle-même.
Elle n'a plus besoin d'Israël pour être l'Église. En droit, nous l'avons dit, l'Église est composée de Juifs et de païens. Une fois éteinte la composante juive - au moins dans ce qu'elle avait de représentatif ­ elle s'est résignée à cette situation, dont elle a fait la théologie: celle de la substitution. Elle n'avait donc plus besoin d'Israël pour être le peuple de Dieu.
Les Juifs, quant à eux, vont personnifier l'antithèse de la condition chrétienne, à travers ces clichés binaires qui fonctionneront d'autant mieux que, selon l'expression de Kurt Hruby, «l'opposition (82) traditionnelle entre le judaïsme et le christianisme offre manifestement une prise idéale aux facilités oratoires[4] » : les Juifs vont désormais personnifier la lettre opposée à l'esprit, le charnel, au spirituel, les œuvres, à la foi, la crainte, à l'amour, le particularisme, au sens de l'universel, la vengeance - la prétendue «loi du talion» - au pardon, et, en définitive, le péché opposé à la grâce.
*
Devant une telle situation, quelle tâche nous attend aujourd'hui? La phrase de Fadiey Lovsky que nous avons citée au début de ce chapitre nous fournit à ce sujet deux précieuses indications: ne pas se désolidariser, mais opérer un tri dans ce patrimoine.
Ne pas se désolidariser, c'est reconnaître d'abord que cette culture est celle du corps dont nous sommes membres. Il serait incohérent de nous prévaloir des richesses que nous ont transmises les générations passées tout en refusant tout lien de solidarité avec elles dès que l'héritage nous paraît peu glorieux. Il ne s'agit donc pas de vouer les pères aux gémonies ni de brûler leurs œuvres, comme on l'a fait jadis pour le Talmud dans les sociétés chrétiennes. Il ne s'agit même pas d'y faire des censures pour en exclure les passages dont nous avons rencontré ci-dessus quelques exemples: la «purification de la mémoire» à laquelle nous sommes aujourd'hui invités n'a rien de commun avec les procédés naguère utilisés dans certains régimes, où le passé devait être expurgé et l'histoire récrite en fonction de l'idéologie du moment. Cette histoire nous rappelle en effet que le péché est présent à l'intérieur même de l'Église, et que même les plus éminents de nos pères dans la foi n'en étaient pas exempts: nul n'échappe à la nécessité universelle de la rédemption[5]. (83)
Rompre les liens de solidarité, ce serait, en réalité, céder à l'illusion qu'il suffirait de se détacher d'un ensemble réputé pécheur pour devenir pur, comme si le péché ne se trouvait qu'en autrui, et comme. si chacun, par conséquent, ne le portait pas en soi-même. La recherche d'une communauté de parfaits ne peut conduire qu'à la fragmentation à l'infini du corps ecclésial, sans que le résultat escompté puisse être jamais atteint : au terme, celui qui s'est «désolidarisé» se retrouve seul avec son propre péché.
Ajoutons à cela deux remarques. Il serait simpliste de céder trop facilement à l'indignation devant des attitudes ou des expressions qui, aujourd'hui, nous paraissent inacceptables. On peut accorder au moins à leurs auteurs le bénéfice de la bonne foi et penser que, dans les situations où ils se trouvaient placés et devant les responsabilités qui étaient les leurs, ils ont fait généralement ce qu'ils estimaient devoir faire: aussi outrancières, par exemple, que nous paraissent aujourd'hui les formules d'un Jean Chrysostome, on doit les porter au compte d'un souci pastoral devant un risque de syncrétisme plus qu'à un désir pervers de manquer gratuitement à la charité[6]. Enfin, si le recul du
temps nous permet aujourd'hui de porter sur certains des gestes ou des paroles des Pères un jugement sévère, il serait naïf de prétendre échapper totalement à l'anachronisme dans l'appréciation d'une époque où les situations et les mentalités n'étaient pas celles que nous connaissons aujourd'hui. (84)
Quant à l'inévitable travail de discernement auquel nous sommes appelés, il est beaucoup plus complexe que de passer au tamis la littérature patristique pour en retirer les scories qui s'y trouvent mêlées.
Pour reprendre une fois de plus la phrase de Fadiey Lovsky, il s'agit en effet d'identifier, dans les formules que nous avons relevées « les gages même ambigus de fidélité ». Ces formules qu'à bon droit nous trouvons aujourd'hui malheureuses ou inacceptables se trouvent en effet mêlées intimement à l'affirmation même de la foi chrétienne, et, dans bien des cas, aucune chirurgie ne peut les en extraire sans mutiler l'ensemble avec lequel elles font corps.
Gage ambigu de fidélité, par exemple, que la revendication exclusive du titre de peuple de Dieu, puisque cette revendication s'appuie, essentiellement, sur l'affirmation de l'unité du dessein de salut. En se proclamant véritable Israël, l'Église affirme depuis ses origines qu'elle ne perçoit sa propre identité qu'à l'intérieur d'un projet inauguré dans la vocation d'Abraham, et dont Jésus est l'accomplissement. À travers ce « reste d'Israël» que constitue la première communauté chrétienne[7], l'Église déclare s'inscrire dans la continuité du peuple de l'alliance. Le dernier concile n'affirme rien d'autre que cette continuité lorsqu'il déclare: « L'Église du Christ, en effet, reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, dans les patriarches, Moïse et les prophètes.» Hors de cette perspective, l'Église perdrait sa raison d'être.
De même, la lecture chrétienne de l'Écriture, dans la diversité de ses méthodes, repose sur la conviction de l'unité de la révélation. Qu'elle soit typologique ou allégorique, cette lecture ne fait que développer la première affirmation de l'épître aux Hébreux : c'est la même parole qui fut jadis adressée à nos pères par les prophètes et qui se fait entendre aujourd'hui dans le Fils. Chercher à découvrir et à mettre en lumière le fil directeur de cette unique Révélation conduit inévitablement à lire les Écritures dans la perspective que dévoile le Nouveau Testament.
On pourrait faire des remarques analogues à propos de ces oppositions sommaires dont nous avons vu plus haut quelques exemples, et qui aboutissent à faire des Juifs et du judaïsme la personnification du (85) péché. Dans bien des cas, il s'agit de l'envers d'une affirmation à laquelle il est difficile de ne pas souscrire: dire que le salut est donné par la foi en Jésus implique, de soi, qu'il n'apporte pas le salut à ceux qui le refusent.
Il n'est pas jusqu'à l'idée de l'antériorité de l'Église par rapport à Israël qui ne recèle, même sous une forme maladroite et tendancieuse, une affirmation authentiquement chrétienne; à condition que l'on entende cette antériorité, non au sens où la comprenaient Eusèbe ou Justin, qui décernaient des certificats de christianisme à Socrate, à Héraclite et à tous ceux qui, depuis Adam, avaient respecté les vertus naturelles, mais, bien plutôt, selon la perspective de l'épître aux Éphésiens, pour laquelle l'Église, le corps du Christ, est l'humanité réconciliée où Juifs et gentils se reconnaissent mutuellement dans l'amour et par la puissance de l'amour de Dieu. Première dans la pensée divine, et objet d'espérance eschatologique, parce que ce qui est premier dans l'ordre de l'intention, et qui donne sens à tout ce qui suit, est dernier dans l'ordre de la réalisation.
Ce sont là, il ne faut pas hésiter à le rappeler, des affirmations auxquelles le chrétien ne peut renoncer sans mutiler sa foi, même s'il faut bien admettre que l'histoire a donné aux mots - ici, à celui d'Église- des harmoniques tout autres que celles de leur sens originel.
Serions-nous donc revenus à notre point de départ, et contraints d'avouer, comme on l'entend dire parfois par certaines voix juives ou chrétiennes, que l'antisémitisme - ou, tout au moins, la négation du judaïsme - seraient inscrits dans la foi chrétienne elle-même, au point que l'Église ne pourrait y renoncer sans se renier? Il est temps maintenant de chercher à identifier cette infidélité qui se cache subtilement dans une fidélité ambiguë. Pour le dire brièvement avant d'y revenir dans le dernier chapitre de ce livre, il semble bien que l'infidélité se loge dans le caractère exclusif des formules et des attitudes que nous avons analysées: l'élection de l'Église frapperait de caducité celle d'Israël, l'interprétation chrétienne de l'Écriture rendrait illégitime et insignifiante toute lecture de l'Ancien Testament qui ne serait pas exclusivement christologique et christocentrique.
Mais, empressons-nous de préciser: la porte qui s'ouvre ici n'est pas (86) celle d'un banal relativisme par lequel on concéderait que ceci n'empêche pas cela. D'ailleurs, on ne respecterait ni les sources scripturaires, ni le judaïsme, en affirmant qu'il y aurait place pour deux peuples de Dieu à l'intérieur d'une unique alliance. En réalité, c'est le Nouveau Testament lui-même, nous y reviendrons, qui nous oblige à reconnaître dans le dessein de Dieu, tel qu'il se dévoile en Jésus-Christ, l'expression d'une mystérieuse «économie» qui ne se laisse pas réduire à la géométrie plane du raisonnement humain, mais qui se traduit en : des affirmations apparemment contradictoires et qu'il ne sera jamais
possible d'associer en une synthèse harmonieuse et satisfaisante pour l'esprit. Ces affirmations, on l'aura compris, sont celles des chapitres 9, 10 et 11 de l'épître de Paul aux Romains. Ces trois chapitres maintiennent ouverte sur le «mystère», au sens le plus fort du terme, une porte que la logique - une logique à laquelle se mêlaient souvent des motivations autres qu'intellectuelles - a conduit très vite à refermer. Une tentation permanente, de l'Antiquité à nos jours, n'est-elle pas celle de vouloir soumettre l'interprétation de l'Écriture aux règles d'une rationalité trop courte et purement humaine à laquelle la Révélation refuse de se laisser réduire[8]?
Seule la fidélité au Nouveau Testament, accepté sans coupures, sans lectures sélectives et sans interprétations réductrices, peut nous prémunir contre tout risque d'égarement. Cette fidélité même n'est-elle pas la pierre de touche de l'authentique Tradition ? Kurt Hruby l'avait déjà souligné avec force: « Pour qu'une vraie théologie d'Israël, c'est-à-dire une vision théologique saine de la question juive, puisse enfin se substituer à toutes les prétendues "traditions", il faut revenir résolument à l'authentique témoignage de la révélation divine, tel qu'il ressort de l'Écriture Sainte[9].» Écriture et Tradition s'incluent mutuellement. L’enseignement des siècles passés, même celui des maîtres les plus éminents, ne peut être reconnu comme normatif qu'à la mesure de sa conformité à la lettre et à l'esprit de l'Évangile.


[1] Liturgies des heures, 4ème vol. Cerf, Desclée de Brouwer, Mame, 1980 , 22 décembre, l, 196.
[2] Samedi après l'Épiphanie, l, 402.
[3] 4ème samedi du temps pascal, II, 623-624. Il n'est pas certain qu'il faille voir la théologie de la substitution dans les mots «pour remplacer ceux qui sont tombés», qui se réfèrent, semble-t-il, à Rm11,19-24. Ce passage ne résume évidemment pas la position de Cyrille, qui est par ailleurs un des premiers à employer le terme de déicide.
[4] Kurt HRUBY, «Les Relations entre le judaïsme et l'Église. Jalons de réflexion théologique», dans Rencontre, n° 63, 4ème trimestre 1979, p. 32.
[5] Il y aurait sans doute bien des malentendus à dissiper au sujet de la notion même de sainteté. Rappelons seulement qu'en canonisant quelqu'un, l'Église ne prétend pas qu'il aurait été parfait dans tous les domaines et pendant toute sa vie, ou que ses choix auraient toujours été les meilleurs, mais que le chemin qu'il a suivi l'a conduit progressivement à l'union à Dieu. «La perfection chrétienne, disait Dom Paul Grammont, est bien éloignée de ce que l'on pense [...] Il Y a des saints au caractère insupportable. On voudrait que quelqu'un dont les charismes sont reconnus soit paré de toutes les vertus. [...] L’homme parfait n'existe pas, sinon selon les critères d'une société qui fabrique un moule comme idéal. L’Esprit Saint ne propose pas un "homme idéal, il investit l'être tel qu'il est et, peu à peu, le convertit et l'harmonise...» (Dom GRAMMONT, Le feu qui nous habite, Mesnil Saint-Loup, Le livre ouvert, 1988, p. 49). On peut d'ailleurs se demander si quelques-uns des écrivains cités ci-dessus, et dont la vénération est depuis longtemps consacrée par la Tradition, franchiraient aisément, aujourd'hui, les étapes d'un procès de canonisation...
[6] . Remarquons d'ailleurs que le ton de saint Jean Chrysostome est beaucoup plus serein dans son commentaire de l'épître aux Romains que dans ses discours contre les Juifs. On peut faire une remarque analogue à propos d'autres auteurs anciens. Cf. À cause des Pères, pp. 305-308
[7] Cf. Rm 11,5. Ce point sera repris dans le dernier chapitre du livre.
[8] On pourrait en donner de nombreux exemples. Pour n'en prendre qu'un, le fait que la pâque du Christ soit un départ ou un enlèvement conduit à interpréter la parousie, corollairement, comme un «retour., alors que cette dernière notion est absente du Nouveau Testament (cf. F. X. DURWELL, La Résurrection de Jésus, mystère de salut, 10. édition, Paris, Cerf, 1976, p. 105). On pourrait faire des remarques analogues à propos de la manière dont certaines traductions corrigent les textes bibliques au nom de la logique, au lieu de respecter leurs incohérences ou leurs obscurités.
[9] Kurt Huby, « Israël, peuple de Dieu » p.68.

Pour voir une conférence à deux voix sur le sujet, cliquez ici