Présentation du groupe des Chrétiens Orthodoxes en
dialogue avec les juifs
Janv 2013
Ce petit
groupe d’orthodoxes a pour but d’étudier les racines juives du christianisme
dans leurs traditions écrites et orales, dans un respect du Mystère d’Israël et
de la présence de nos frères juifs à nos côtés aujourd’hui encore.
Ce peuple est
en effet le témoin et le premier destinataire des Dix Paroles et de la
révélation du Dieu Un. Il nous faut donc comprendre nos sources et leurs
racines juives si nous voulons nous dire véritablement chrétiens.
Nous cherchons
à réellement connaître le Judaïsme dans lequel Jésus a vécu et dont il a
transmis l’essentiel à l’Église. Pour cela nous revisiterons la notion de
« substitution » qui marque encore nos consciences et dans laquelle
l’Église en se nommant « le Véritable Israël » se substitue purement
et simplement au peuple de l’Alliance lui niant sa place et sa permanence
jusqu’aujourd’hui. Les Pères, qui ont cherché à situer l’Église par rapport à
Israël, ont souvent utilisé un langage substitutionnel; ou ont exprimé la
nouveauté de l’Évangile en discréditant (ou dépréciant) le message de l’Ancien
Testament. Nous nous engageons à un travail de relecture des écrits des Pères,
en portant un regard respectueux sur le peuple de la première Alliance
« car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance » (Rm 11,29).
Sans
abandonner la lecture de l’Ancien Testament à la lumière du Christ ressuscité
nous chercherons à approfondir la perception du Nouveau Testament à la lumière
de l’Ancien, étudié d’abord pour lui-même, afin de donner accès au message de
Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, incarné dans le peuple juif et toute sa
tradition. Cela permettra de mettre en lumière la réciprocité exégétique dans
l’Unique Alliance de Dieu, et d’expérimenter à quel point ces deux approches se
fécondent l’une l’autre.
Nous voulons également mettre en lumière comment a eu
lieu progressivement la séparation entre Eglise et Synagogue dans une mise en
perspective des textes des deux groupes que sont les rabbins et les pères de
l’Eglise en en montrant les influences mutuelles, les convergences et
divergences et en comparant les interprétations qui ont eu lieu dans l’Eglise
et dans la Synagogue.
L’enjeu de cette étude est de souligner la fécondité
d’un vis-à-vis immédiat entre ces deux traditions, les présentant ensemble tout
en insistant à la fois sur leur imbrication et leur indépendance.
Voici quelques citations de ceux ayant abordé ce travail
avant nous :
Oui, le Christ - en hébreu, le Messie - est la
gloire d'Israël. C'est le peuple d'Israël qui offre à Dieu la chair de
l'incarnation. Israël est la chair de Dieu. Dieu ne s'incarne pas dans
l'homme en général. Tout ce qui est humain se déroule dans l'espace et le temps;
il fallait un lieu particulier, un moment particulier, un peuple particulier
pour que Dieu prenne chair. Ce peuple fut le peuple d'Israël. Pour
s‘incarner, Dieu se fit juif. C'est avec une bouche de juif,
dans la langue des juifs, dans le cadre d'une culture juive que Dieu parle aux
hommes. C'est par son Messie, par le Christ de Dieu, qu'Israël accomplit sa
vocation et découvre sa raison d'être : devenir lumière des nations.
Mais, inversement, pour
comprendre le message et la vie du Christ, il faut connaître les écritures
d'Israël, les livres de l'Ancienne Alliance que le Christ et les apôtres citent
à chaque page des Évangiles, les Actes, les épîtres et l'Apocalypse; les Pères
de l'Église feront de même.
Cyrille Argenti, N’aie pas peur,
2002
Nous devrions prendre au sérieux les paroles d'un théologien grec orthodoxe
Mgr Damascène, métropolite en Suisse, prononcées lors de la clôture de la
troisième rencontre internationale entre les croyants juifs et les chrétiens
orthodoxes, que je cite ci-dessous: "Le christianisme orthodoxe
reconnaît en la théologie, en l'anthropologie et en la cosmologie du judaïsme,
les éléments essentiels de sa doctrine". D'après Mgr Damascène, "nous
vénérons profondément non seulement l'Ancien Testament, mais aussi toute
l'expérience spirituelle du peuple élu avec son rôle dans la divine économie du
salut". Ajoutons qu'il faut inclure la grande "Catastrophe"
dans cette expérience spirituelle.
Père Serge Hackel[1]
SOP
suppl. n°226 B – mars 1998
Les rapports
mutuels entre le judaïsme et le christianisme au cours des nombreux siècles de
leur vie commune offrent un caractère remarquable. Toujours et partout, les
Juifs ont considéré le christianisme et ont agi à son égard selon les
prescriptions de leur religion, de leur foi, et de leur loi. Les Juifs se sont
toujours comportés à notre égard selon une attitude judaïque, tandis que nous
autres chrétiens, au contraire, nous n'avons pu apprendre jusqu'à présent à
nous conduire envers le judaïsme d'une manière chrétienne. Ils n'ont jamais
enfreint, en ce qui nous concerne, leur loi religieuse ; tandis que nous avons
enfreint et que nous continuons à enfreindre constamment, à leur sujet, les
commandements de la religion chrétienne.
Vladimir
Soloviev, La question chrétienne
A ces
remarques qu’une appréciation compréhensive des pharisiens peut suggérer, nous
aimerions ajouter les observations suivantes écrites par Travers Herford :
« s’il devenait évident que la religion de la Torah que professaient les
pharisiens exprimait une authentique expérience spirituelle, était une source
d’inspiration pour vivre et mourir saintement, la force spirituelle du
christianisme en serait-elle amoindrie ? Le chrétien ne devrait-il pas se
réjouir d’apprendre que le juif, même le pharisien, en savait plus long qu’on
ne le croyait sur les sujets spirituels et qu’à sa manière, différente de
l’approche chrétienne, il aimait le Seigneur son Dieu de tout son cœur, de
toute son âme, et de tout son esprit – oui, et son prochain comme
lui-même ? »[2] […]
L’Ancien
Testament est bien la base du Judaïsme, mais c’est avec les pierres de la
tradition juive que la maison a été bâtie dessus. Si un chrétien croit pouvoir
« couronner » l’édifice juif simplement en superposant le Nouveau
Testament à l’Ancien, il est comme un homme qui tenterait de poser le toit de
la maison directement sur les fondations, au lieu de le mettre au sommet.
Approcher le judaïsme sans quelque connaissance de la tradition vivante des
juifs ni encore une profonde sympathie par rapport à elle, sera peine perdue.
[…]
Comment les
Eglises filles, c'est-à-dire les Eglises chrétiennes pourront-elles se
réconcilier avec l’Eglise d’Israël, leur mère, sans faire un seul pas vers
elle ? Nous sommes certains que, dans le plan de Dieu, la mère deviendra –
un jour encore lointain – le centre et l’instrument de l’unité. On ne peut
inviter la Synagogue
à participer aux Conférences entre Chrétiens. Mais pourquoi ne pas accorder une
pensée à la Synagogue,
au cours de telles assemblées ?[…]
Depuis le
début du christianisme, dix-neuf siècles se sont écoulés, au cours desquels les
juifs ont souffert aux mains des chrétiens, à des degrés divers. Nous n’avons
pas le droit d’approcher les juifs aujourd’hui comme si nous avions les mains
propres. Avant toute chose, il faut réparer notre énorme manquement à la loi de
notre maître et mériter le pardon et la confiance d’Israël. Nous ne parlerons
de notre foi qu’après avoir donné la preuve de notre amour. […]
Mais le peuple
juif demeure chargé d’un message universel. Herbert Loewe a dit[3] :
« Dieu a permis au Christianisme de se répandre et au Judaïsme de survivre
avec de plus en plus de force parce qu’il avait besoin des deux ».
Lev Gillet, Communion in the
Messiah (1942).