mercredi 30 janvier 2013

Notre Charte



Présentation du groupe des Chrétiens Orthodoxes en dialogue avec les juifs


Janv 2013

Ce petit groupe d’orthodoxes a pour but d’étudier les racines juives du christianisme dans leurs traditions écrites et orales, dans un respect du Mystère d’Israël et de la présence de nos frères juifs à nos côtés aujourd’hui encore.
Ce peuple est en effet le témoin et le premier destinataire des Dix Paroles et de la révélation du Dieu Un. Il nous faut donc comprendre nos sources et leurs racines juives si nous voulons nous dire véritablement chrétiens.
Nous cherchons à réellement connaître le Judaïsme dans lequel Jésus a vécu et dont il a transmis l’essentiel à l’Église. Pour cela nous revisiterons la notion de « substitution » qui marque encore nos consciences et dans laquelle l’Église en se nommant « le Véritable Israël » se substitue purement et simplement au peuple de l’Alliance lui niant sa place et sa permanence jusqu’aujourd’hui. Les Pères, qui ont cherché à situer l’Église par rapport à Israël, ont souvent utilisé un langage substitutionnel; ou ont exprimé la nouveauté de l’Évangile en discréditant (ou dépréciant) le message de l’Ancien Testament. Nous nous engageons à un travail de relecture des écrits des Pères, en portant un regard respectueux sur le peuple de la première Alliance « car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance » (Rm 11,29).
Sans abandonner la lecture de l’Ancien Testament à la lumière du Christ ressuscité nous chercherons à approfondir la perception du Nouveau Testament à la lumière de l’Ancien, étudié d’abord pour lui-même, afin de donner accès au message de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai Homme, incarné dans le peuple juif et toute sa tradition. Cela permettra de mettre en lumière la réciprocité exégétique dans l’Unique Alliance de Dieu, et d’expérimenter à quel point ces deux approches se fécondent l’une l’autre.

Nous voulons également mettre en lumière comment a eu lieu progressivement la séparation entre Eglise et Synagogue dans une mise en perspective des textes des deux groupes que sont les rabbins et les pères de l’Eglise en en montrant les influences mutuelles, les convergences et divergences et en comparant les interprétations qui ont eu lieu dans l’Eglise et dans la Synagogue.
L’enjeu de cette étude est de souligner la fécondité d’un vis-à-vis immédiat entre ces deux traditions, les présentant ensemble tout en insistant à la fois sur leur imbrication et leur indépendance.

Voici quelques citations de ceux ayant abordé ce travail avant nous :

Oui, le Christ - en hébreu, le Messie - est la gloire d'Israël. C'est le peuple d'Israël qui offre à Dieu la chair de l'incarnation. Israël est la chair de Dieu. Dieu ne s'incarne pas dans l'homme en général. Tout ce qui est humain se déroule dans l'espace et le temps; il fallait un lieu particulier, un moment particulier, un peuple particulier pour que Dieu prenne chair. Ce peuple fut le peuple d'Israël. Pour s‘incarner, Dieu se fit juif. C'est avec une bouche de juif, dans la langue des juifs, dans le cadre d'une culture juive que Dieu parle aux hommes. C'est par son Messie, par le Christ de Dieu, qu'Israël accomplit sa vocation et découvre sa raison d'être : devenir lumière des nations.
            Mais, inversement, pour comprendre le message et la vie du Christ, il faut connaître les écritures d'Israël, les livres de l'Ancienne Alliance que le Christ et les apôtres citent à chaque page des Évangiles, les Actes, les épîtres et l'Apocalypse; les Pères de l'Église feront de même.
Cyrille Argenti,  N’aie pas peur, 2002

Nous devrions prendre au sérieux les paroles d'un théologien grec orthodoxe Mgr Damascène, métropolite en Suisse, prononcées lors de la clôture de la troisième rencontre internationale entre les croyants juifs et les chrétiens orthodoxes, que je cite ci-dessous: "Le christianisme orthodoxe reconnaît en la théologie, en l'anthropologie et en la cosmologie du judaïsme, les éléments essentiels de sa doctrine". D'après Mgr Damascène, "nous vénérons profondément non seulement l'Ancien Testament, mais aussi toute l'expérience spirituelle du peuple élu avec son rôle dans la divine économie du salut". Ajoutons qu'il faut inclure la grande "Catastrophe" dans cette expérience spirituelle.
Père Serge Hackel[1]
SOP suppl. n°226 B – mars 1998


Les rapports mutuels entre le judaïsme et le christianisme au cours des nombreux siècles de leur vie commune offrent un caractère remarquable. Toujours et partout, les Juifs ont considéré le christianisme et ont agi à son égard selon les prescriptions de leur religion, de leur foi, et de leur loi. Les Juifs se sont toujours comportés à notre égard selon une attitude judaïque, tandis que nous autres chrétiens, au contraire, nous n'avons pu apprendre jusqu'à présent à nous conduire envers le judaïsme d'une manière chrétienne. Ils n'ont jamais enfreint, en ce qui nous concerne, leur loi religieuse ; tandis que nous avons enfreint et que nous continuons à enfreindre constamment, à leur sujet, les commandements de la religion chrétienne.
Vladimir Soloviev, La question chrétienne


A ces remarques qu’une appréciation compréhensive des pharisiens peut suggérer, nous aimerions ajouter les observations suivantes écrites par Travers Herford : « s’il devenait évident que la religion de la Torah que professaient les pharisiens exprimait une authentique expérience spirituelle, était une source d’inspiration pour vivre et mourir saintement, la force spirituelle du christianisme en serait-elle amoindrie ? Le chrétien ne devrait-il pas se réjouir d’apprendre que le juif, même le pharisien, en savait plus long qu’on ne le croyait sur les sujets spirituels et qu’à sa manière, différente de l’approche chrétienne, il aimait le Seigneur son Dieu de tout son cœur, de toute son âme, et de tout son esprit – oui, et son prochain comme lui-même ? »[2] […]
L’Ancien Testament est bien la base du Judaïsme, mais c’est avec les pierres de la tradition juive que la maison a été bâtie dessus. Si un chrétien croit pouvoir « couronner » l’édifice juif simplement en superposant le Nouveau Testament à l’Ancien, il est comme un homme qui tenterait de poser le toit de la maison directement sur les fondations, au lieu de le mettre au sommet. Approcher le judaïsme sans quelque connaissance de la tradition vivante des juifs ni encore une profonde sympathie par rapport à elle, sera peine perdue. […]
Comment les Eglises filles, c'est-à-dire les Eglises chrétiennes pourront-elles se réconcilier avec l’Eglise d’Israël, leur mère, sans faire un seul pas vers elle ? Nous sommes certains que, dans le plan de Dieu, la mère deviendra – un jour encore lointain – le centre et l’instrument de l’unité. On ne peut inviter la Synagogue à participer aux Conférences entre Chrétiens. Mais pourquoi ne pas accorder une pensée à la Synagogue, au cours de telles assemblées ?[…]
Depuis le début du christianisme, dix-neuf siècles se sont écoulés, au cours desquels les juifs ont souffert aux mains des chrétiens, à des degrés divers. Nous n’avons pas le droit d’approcher les juifs aujourd’hui comme si nous avions les mains propres. Avant toute chose, il faut réparer notre énorme manquement à la loi de notre maître et mériter le pardon et la confiance d’Israël. Nous ne parlerons de notre foi qu’après avoir donné la preuve de notre amour. […]
Mais le peuple juif demeure chargé d’un message universel. Herbert Loewe a dit[3] : « Dieu a permis au Christianisme de se répandre et au Judaïsme de survivre avec de plus en plus de force parce qu’il avait besoin des deux ».
Lev Gillet, Communion in the Messiah (1942).



[1] Prêtre de la paroisse orthodoxe de Lewes (East Sussex, Grande-Bretagne) paru dans l'hebdomadaire Russkaïa Mysl n°4209, 12-18 février 1998 p.20. Traduit du russe)
[2] Pharisaism, p.333
[3] Judaïsme and Christianity, vol. I, p.182.